Cher Promeneur,
quel plaisir j'ai à ce que vous vous promeniez dans mes contrées.
vous avez vu juste (pour changer!) je sens bien que j'ai une place puisque je suis là, mais je ne sais pas la matérialiser, je reste à la croisée des chemins, je n'ose m'engager car j'ai trop peur de l'échec, de choisir et de faire le mauvais choix, je doute de mes capacités...
vous m'avez parlé de mon père, et maintenant de mes angoisses enfantines. vous me rappelez que ma mère me disait qu'enfant, je restais accrochée à elle à longueur de journée, à en être étouffante ! et mon père disait que j'étais très sauvage, mais moi je ne me rappelle de rien.
A quoi pouvait bien rêver l'enfant que j'étais, pourquoi ne voulais-je pas tisser de lien, et pourquoi je dépendais de ma mère à ce point ? c'est comme si j'avais refusé de passer cette étape de narcissisme primaire, où l'on ne se distingue pas du monde et de sa maman, où tout est encore un.
je suis assez étonnée d'apparaître au présent sous la Justice, elle me semble si froide et rigide, capable de dire non, d'oser prendre son destin en main, de contrôler ses émotions... quand je la vois, je n'y trouve pas l'hyper sensibilité qui m'obstrue.
vous m'avez parlé de "gloire artistique", en majuscule en plus
et je dois dire que cela m'étonne beaucoup car je ne vois pas en quoi je suis une artiste, la notion même de créativité m'a longtemps interpellée et causée problèmes : je ne me trouve douée en rien !
pourtant j'ai une soif de dire, de faire, de toucher du doigt mon désordre.
je manque de moyens... je ne trouve pas mes dons.
trouver des mots sur ce qui me dépasse. peindre la folie. chanter pour exorciser. je ne sais pas faire tout cela.
cependant, c'est vrai que j'ai une vocation depuis plusieurs années pour soigner les autres et les aider dans leur vie, leur apporter du soutien. pourtant, vous admettrez que c'est totalement en contradiction avec la petite fille que j'ai été ! et cela me joue des tours encore aujourd'hui, je dois dépasser ma peur des autres, de l'étranger, de l'inconnu. j'aime être en face de l'âme des gens, trop souvent je vois leur facade, le rôle qui les encombre, leur interdit d'être dans un vrai rapport humain. quand je vois cela, je redeviens petite... je fuis à toute jambe. (je n'arrête pas de faire des rêves où je dois fuir et en même temps combattre, parce que si je ne fais que fuir je disparais de ce monde.)
je suis allée en équateur à la découverte d'une communauté dans la forêt amazonienne, j'ai étudié le chamanisme, participé à des rituels de guérison, j'ai étudié la médecine chinoise, les massages thérapeutiques, aujourd'hui c'est la psycho...
tout cela fait partie de mon chemin, je n'ai aucun mal à faire le lien entre toutes ces formes de guérisons. je voudrais arriver à faire changer l'état d'esprit de notre société occidentale, qu'elle accepte des autres ce qu'elle ne peut trouver elle-même. mais nous sommes si corrompus que l'ampleur de la tâche me semble inappropriée...
en plus, c'est vrai que je ne rêve plus comme à 20 ans. je réalise que je ne dois pas seulement faire mon petit bout de chemin mais trouver ma place justement. devenir réellement utile, faire quelque chose de bien pour les autres tout en m'assurant un avenir. quoique je n'ai pas peur de tout lâcher pour aller vivre en Inde. peut-être serais-je plus à mon aise là-bas à vivre parmis les vaches et les hommes. mais je suis née ici et j'aime ce défi. car s'il y a bien un endroit où les mentalités ont besoin d'évoluer c'est ici, pas dans les montagnes de l'Himalaya !
je me pose pleins de questions c'est vrai ... je commence à comprendre la justice, je veux me/nous faire justice. rendre hommage à ce monde merveillleux dans lequel prône l'injustice justement. de ne pas respecter nos ancêtres, apprendre de nos erreurs, de ne pas se donner totalement comme le monde se donne entièrement à nous, de nous contenter de ce qu'on a, de ne jamais rien remettre en question, de faire abstraction de tout ce qui est réellement important.
bref, je m'excuse d'être si longue, votre message révèle bcp de choses qui voudraient continuer à se taire, eh oui, même moi je vous assure que je rêve de simplicité...
si je peux me permettre de continuer sur cette lancée, et de vous poser une question sur ce qui m'a le plus interpellée dans votre réponse :
ais-je un don que j'ignore ?
si cela peut me permettre de calmer mes angoisses, je suis preneuse !
je vous embrasse très fort et vous remercie autant (ce ne sera jamais assez)
a bientot Promeneur
I.