coucu ma belle,
Il y a une idée à laquelle je reste accrochée..une croyance probablement dont je dois me défaire.. qui celle qu'une mère ne peut qu'aimer son enfant..
Je ne sais pas si c'est une croyance à lâcher, je pense que la souffrance ne vient pas d'une croyance mais d'un manque.
Sur un plan très "basique", archaïque presque, donc primordial, dans l'enfance on a besoin de l'amour de nos parents, c'est une nécessité énergétique.
Nous sommes des petits d'humains, des petits mammifères, pas des petites tortues qu'on laisse se débrouiller pour rejoindre la mer toutes seules.
Oui, une mère a à donner certaines choses à son enfant pour l'aider à grandir et à s'émanciper (d'elle notamment).
Mais ne pas donner est aussi une manière d'attacher l'autre à soi, parce qu'il sera attaché par un manque, un besoin non nourri, qui peut avoir des répercussions pendant longtemps, jusqu'à ce que ça soit guéri en fait.
Il faut aussi comprendre un truc c'est qu'on ne peut pas - ou quasiment pas - donner ce que l'on n'a pas en soi.
Je ne sais pas ce qu'a vécu ta mère dans sa propre histoire personnelle et sa propre enfance, mais si elle n'a pas reçu d'amour, si elle-même manquait d'énergie, d'amour en elle, elle pouvait pas t'en donner autant que tu en avais besoin, il aurait fallu qu'elle l'invente en quelque sorte, et ça c'est pas tous les humains qui en sont capables. Certains oui, par une sorte de force peu commune qui les pousse de l'intérieur à créer presque ex nihilo ce qu'ils n'ont pas reçu, mais c'est pas si fréquent.
Ta mère n'avait peut-être pas cette capacité, ou elle n'a pas su la trouver, ou... peu importe en fait.
Aimer un animal n'est pas la même chose qu'aimer un enfant, c'est plus facile quelque part.
L'animal il ne répond pas, en tout cas pas en langage humain, l'animal ne fait pas de reproches, il ne demande pas grand chose, et surtout un chien, c'est fidèle à son maître, ça ne conteste pas sauf cas extrême les décisions de son maître.
L'enfant est doué de langage, de droit de réponse, l'enfant confronte avec ce qu'on est soi-même. C'est beaucoup plus impliquant que la relation avec un animal, et donc pour certaines personnes, ça leur demande pas le même "effort" en quelque sorte, ça les renvoie trop à eux-mêmes.
Il me semble qu'il y a comme une conscience chez toi de tout ça chez ta mère, mais aussi peut-être une idéalisation de l'enfant qui reste et qui dit que ta maman, elle aurait pu, elle aurait dû, dépasser tout ça, pour t'aimer toi. Qu'elle aurait "dû" devenir "plus qu'humaine", se guérir elle-même pour dépasser ses propres manques etc...
Ce que tu as à faire là, d'après le premier tirage, c'est ramener ta mère dans une vision humaine, terre à terre presque, extrêmement réelle et réaliste.
Il y a ce que l'enfant veut, que ses parents soient plus forts que tout, plus forts que leurs propres souffrances pour l'aimer lui, plus forts que leurs failles, leurs faiblesses, pour lui apporter à lui tout ce dont il a besoin.
Parce que l'enfant a aussi une conscience aigue, même si non formulée, que l'histoire de ses parents n'est pas la sienne.
Alors pourquoi devrait-il souffrir lui de ce qui s'est passé avant lui ? avant sa naissance ? dans le passé de chacun de ses parents ?
Il y a une forme d'injustice là-dedans, ou qui peut être ressentie comme telle.
Travaille sur le réel, travaille à faire redescendre l'image de la mère, qui aurait pu, qui aurait "dû" être plus forte qu'elle-même pour t'aimer comme tu en avais besoin.
Désacralise-la, regarde la mère humaine, "biologique" en quelque sorte, l'individu, tel que tu verrais n'importe quel individu dans la rue que tu n'as jamais vu ni d'ève ni d'adam.
Là où ça t'a peut-être blessée aussi, au-delà de l'enfance, c'est que ça a pu te donner un modèle de "défaitisme", de quelqu'un qui se "laisse aller", qui n'arrive pas à évoluer, à se dépasser soi-même.
Il est possible que ça touche là au niveau spirituel, une croyance là pour le coup, inscrite spirituellement, et qui est ce qui bloque aussi en toi.
Es-tu profondément convaincue que toi, Sab, tu peux réussir à dépasser tes propres peurs ? quitte à y être aidée, humainement ou "angéliquement", ou les deux ?
Penses-tu qu'un être humain puisse profondément et durablement guérir et regarder son passé en paix et en étant libéré ?
Ta mère ne t'a pas montré le chemin de ça.
Il y a donc à trouver autre chose, d'autres "modèles" par exemple.
Puiser ailleurs la force, l'espoir, la foi, que rien n'est jamais foutu, rien n'est figé, et que tout peut évoluer en soi.
Il y a pas longtemps j'ai lu des passages de textes de Etty Hillesum, cette jeune femme juive qui est morte dans les camps, mais avant ça qui a déployé une force spirituelle jusqu'au bout, sans jamais abandonner, même si elle savait parfaitement comment sa vie allait finir, et qu'elle l'avait accepté.
Il se trouve que, à moi, cette femme me parle énormément, j'y ai puisé une force immense : si elle dans les camps elle a pu garder la foi, moi dans ma vie avec les soucis plus ou moins grands que je rencontre, je peux y arriver aussi.
Parce qu'il y a ce potentiel-là en chacun de nous.
Les personnes qui le poussent jusqu'au bout, ouvrent des chemins, et montrent la voie, non pas pour résoudre nos problèmes de la même manière qu'elles nécessairement.
Mais parce que ça montre qu'il est possible de continuer, d'évoluer, d'avancer et de se libérer et se guérir pour être en paix avec soi-même, quelles que soient les circonstances.
Peut-être peux-tu trouver dans tes lectures, tes inspirations, des personnes qui produisent cet effet pour toi, qui te donnent ce souffle à l'intérieur, et la force de foi qui fera que tu considèreras le problème avec ta mère comme un problème à résoudre, parmi d'autres, et qu'il n'est pas insurmontable.
Trouver d'autres modes de perception, changer son regard, tout ça est toujours possible.
Comment ne plus souffrir ?
Dans le temps présent, tu ne peux pas, c'est une fausse quête.
La souffrance ne se balaye pas, elle s'accepte, comme le pendu, tête en bas.
Quand tu as mal quelque part, et que ça ne passe pas malgré des médicaments ou des traitements divers et variés, tu n'as d'autre choix que d'accepter la douleur, c'est pareil au niveau émotionnel, mental, spirituel, c'est comme la douleur physique.
Quand tu l'acceptes, elle te délivre ses informations, le message qu'elle veut faire passer.
Le pendu apprend à se connaître lui-même dans l'abandon à ce qu'il ressent, à ce qui se passe en lui, il ne lutte plus, il ne cherche plus à agir, à faire partir la souffrance.
Tu ne peux pas "ne pas souffrir" de quelque chose qui te fait souffrir, c'est presque une évidence de dire ça.
Mais tu peux par contre accepter que ça te fasse souffrir et accepter de le ressentir vraiment, quitte à crier, pleurer, cracher, ou taper dans les murs ou dans un putching ball pour évacuer ce que tu ressens.
Oui c'est douloureux de ne pas avoir été aimé comme on en avait besoin, parce que le manque est douloureux, tout comme un toxico qui cherche à sortir de sa dépendance, la sensation de manque est une vraie douleur, qu'il faut reconnaître, sans quoi on ne fait que fuir vers l'avant en prétendant ne pas avoir mal alors que tout en nous crie le contraire.
L'amour est le carburant qui nous donne de la force, l'envie de vivre, la joie, le moteur intérieur.
Petit, on apprend l'amour avec nos parents, entre autres.
Donc on peut aussi être blessé dans ce qui est le plus important, l'amour de soi-même, l'amour en général, qui n'a pas de différenciation.
Ta mère ne t'a pas aimée "assez" ou comme tu en avais besoin, et aujourd'hui cela a inscrit en toi la croyance que toi-même tu ne peux pas t'aimer assez ou comme tu en as besoin.
Plus tu vas te vider des émotions et des sentiments douloureux liés à ta mère, plus tu vas retrouver ta capacité naturelle à aimer, donc à t'aimer, et il n'y aura plus la sensationd e manque, mais au contraire une sensation de te remplir de toi-même.
Ca ne se fait pas en un jour, ça prend du temps, mais le début du chemin c'est l'acceptation profonde que ça fait mal, présentement, et que ça ne va peut-être pas s'arrêter tout de suite.
Donne-toi de la compassion et autorise-toi à avoir mal. Tu en as le droit.
Tu n'as à te justifier de ça vis à vis de personne, et même pas vis à vis de toi-même.
Le deuil c'est d'accepter, ne plus être dans le déni.
Ta mère n'a pas été ce que tu aurais voulu ou eu besoin qu'elle soit avec toi.
C'est un fait, pour l'instant, telles que sont tes émotions aujourd'hui.
Ce sont ces émotions et ce sentment en toi qu'il faut accepter en premier lieu, avant d'accepter ta mère comme elle est, c'est toi que tu as besoin d'accepter comme tu es aujourd'hui, avec tes émotions comme elles sont, et même si elles sont violentes, et même si elles te font peur ou qu'elles ne satisfont pas à l'idée qu'on a pu te donner de ce que tu devrais ou pas ressentir pour être "quelqu'un de bien", ou une bonne fille, ou une bonne mère, ou une femme digne de ce nom, ou que sais-je encore.
C'est à toi de t'entendre en premier lieu, intérieurement, d'entendre ce qui crie à l'intérieur de toi, et de l'écouter vraiment, non pas en le refusant ou voulant déjà que ça ait disparu, mais en l'acceptant, en le reconnaissant, simplement.
Proposition pour toi, de visualisation.
Pose l'intention d'aller en toi, dans ton monde intérieur, rencontrer la petite fille en colère ou en souffrance et dans le manque, de ton enfance.
Et quand tu l'as en face de toi, ne fais rien, regarde-la, accepte-la, exactement comme tu accepterais un enfant qui crie sa douleur parce qu'il est tombé ou qu'on lui a fait mal.
Ne cherche pas à la changer, à faire qu'elle soit autrement, dans ton espace intérieur, tu n'as de comptes à rendre à personne, et l'image de toi-même peut s'effacer, laisser place à la vérité de ce qui est, sans jugement.
Le pendu, c'est une démarche de lâcher prise dans l'acceptation, et le deuil ne peut passer que par là, étape par étape, et doucement, sans forcer.
Bisous
Maïna