por omicron » Mon Jun 10, 2013 12:58 am
salut silence,
je ne peux pas te contacter hors forum, mais ça n'est pas grave, mon histoire là-dessus n'est pas spécialement un secret, je peux donc en parler ici.
mes parents ont divorcé quand j'avais 9 ans. je suis restée à la garde de ma mère, ça se faisait naturellement à l'époque (y'a 24 ans environ), y'avait pas l'habitdue de la garde alternée.
il est resté dans la même ville un temps (à Lyon), mais ensuite est parti à 5h de train environ de là, dans le nord-est. il reconstruisait une famille, et surtout, il suivait sa carrière professionnelle, qui a toujours été priorité pour mon père.
je ne sais pas évidemment ce qu'il a pensé à ce moment-là.
je crois qu'il a souffert de la séparation comme moi, et aussi que ça lui plaisait pas de me laisser avec ma mère et sa possible influence.
j'allais le voir pour les vacances.
puis il est parti en pays étranger (limitrophe).
idem, je le voyais pour les vacances.
nous avions des rapports assez étranges, j'aimais mon père profondément, (eut-il voulu ne plus être qu'un géniteur à mes yeux, il n'y serais pas arrivé, il était mon père et n'avait pas pouvoir pour changer cela en moi, à moins peut-être de me rejeter et me renier violemment ? et encore).
je l'idéalisais beaucoup. tout en projetant aussi sur lui ce que ma mère pouvait en dire de négatif parfois.
dans sa vie j'ai toujours eu une place.
et ça l'empêchait pas pour autant de vivre ce qu'il avait à vivre.
quand ils partaient en voyage à l'autre bout du monde avec ma belle mère, ben.. il me demandait pas mon avis, il partait, c'est tout.
quand j'étais là et qu'il y avait une réception pour son boulot, ben il faisait sa réception, il me consacrait pas son temps.
etc etc.
et j'ai toujours vécu ça très bien en fait.
ce dont j'ai souffert, de la part de mon père, c'est son inattention aux ressentis, et son refus des émotions. ainsi que de son mode de communication plus que lapidaire et/ou sybillin parfois.
(idem pour ma mère d'ailleurs, mais c'est un autre sujet).
se sentir abandonné, c'est pas forcément physique, ça peut être d'avoir l'impression que l'autre n'en a rien à foutre, que ce que l'on pense et ce qu'on ressent n'a aucune importance, que l'on n'est pas entendu, pas écouté, pas reconnu dans ce que l'on est.
du moins pour moi, c'est cela être abandonné.
je pense que beaucoup d'adultes vivent dans un monde de formes figées, que nous finissons par penser que seuls les actes comptent.
or c'est totalement faux.
les ressentis, les choses subtiles, existent autant sinon plus que les formes et les actes. notamment dans l'enfance.
moi j'ai ressenti de l'abandon de la part de mon père sur ce plan-là, mais je suis sûre que si je lui disais qu'il m'a abandonnée de cette manière, il ne comprendrait pas.
aujourd'hui je me suis habituée à avoir un père pour qui les émotions n'ont pas voix au chapitre. mais j'ai bossé là-dessus longtemps pour me mettre en paix avec ça.
ce que je veux te dire c'est que l'abandon c'est plus profond parfois et invisible que simplement : partir, faire ceci ou cela, ou ne pas faire ceci ou cela.
ma mère m'a abandonnée de toutes les manières possibles sauf physique. elle a pourtant été là toute mon enfance et mon adolescence.
mais quand elle m'a collé dans les pattes un beau père dangereux psychologiquement et émotionnellement, et qu'elle ne s'est pas interposée entre lui et moi pour me protéger de sa violence, elle m'a abandonnée. pourtant..... elle était bien là physiquement.
ce dont j'ai souffert quand mes parents ont divorcé, quand il y a eu les changements et les bouleversements, c'est que personne, à aucun moment, ne s'est posé cinq minutes pour me demander ce que moi je ressentais. tout simplement.
et cela n'aurait pas empêché qui que ce soit de faire ses choix et sa vie.
mais cela m'aurait permis de me sentir entendue, et donc pas abandonnée.
je pense qu'il existe de multiples formes de relation.
que l'on peut être très proches intérieurement même en se voyant un week-end sur deux, ou même quatre fois par an.
je pense que cela dépend du soin que l'on apporte à la relation dans la présence à l'autre, du soin que l'on apporte à communiquer, à dialoguer.
par ailleurs, un enfant qui vit des choses difficiles sans explication a tendance à prendre ça sur lui et à culpabiliser. (et ça c'est pas moi qui le sort de mon chapeau, beaucoup de psys en parlent)
d'où la nécessité de clarté. que l'enfant le comprenne ou non, à ce moment-là, consciemment, cela nourrira quelque chose en lui que l'on prenne soin de lui parler, de l'écouter, et de clarifier les choses tranquillement.
un enfant n'a pas besoin de parents parfaits, et encore moins de parents enchaînés et malheureux.
il a besoin de parents qui font de leur mieux, réellement, tout en se respectant eux-mêmes.
j'ai beaucoup mieux vécu les choix de mon père que ceux de ma mère. parce que je pense profondément que mon père s'est respecté en faisant ces choix. sa carrière était supra importante, ben il est parti loin pour ça. mais il le vivait bien.
ma mère est pas partie loin, mais quand elle a choisi un mec violent devant lequel elle s'écrasait, elle m'a fait du mal parce qu'elle se faisait du mal à elle-même, elle se respectait pas.
je suis très contente aujourd'hui que mes parents aient divorcé (du reste cette conscience-là je l'ai eu assez tôt, le fait qu'il valait mieux qu'ils soient séparés plutôt qu'à se bouffer le nez et se détester).
et je suis très contente que mon père ait refait sa vie, en fait je n'ai même pas à en être contente ou pas, je veux dire c'est SA vie.
donc je suis contente pour lui s'il a la vie qu'il voulait.
concernant ma mère, hum, j'en suis pas encore là, il reste du boulot.
bref.
voilà ma petite histoire.
si tu veux des précisions sur certaines choses, n'hésite pas à demander, je répondrai dans la mesure où ça ne m'oblige pas à dévoiler des choses trop privées (me concernant ou concernant mes parents).
au-delà de ça, le sentiment que j'ai en te lisant, c'est que tu réagis comme un animal en cage. et que tu as d'autant plus envie de partir très loin que tu te sens enchaîné.
tu sembles revendiquer une liberté que tu as, de fait. mais que tu ne prends peut-être pas.
parce qu'elle rime avec abandon, égocentrisme, ou autre. (ou bien parce que tu ne sais pas quoi en faire ?)
or je crois, et j'ai pu expérimenter, que la liberté est souvent beaucoup plus simple que ce qu'on imagine quand on est en prison.
le sentiment que ça me donne, c'est qu'il y a des extrêmes dans ce que tu exprimes. un peu comme quelqu'un qui ne peut rien faire rêve de pouvoir tout faire.
au final, une fois que tu es dehors de la prison, ben tu utilises ta liberté pour faire ce que tu as envie de faire, c'est tout.
et tu peux communiquer tranquillement aux gens qui te sont proches pour leur dire que là par exemple tu seras pas disponible tant de temps. entendre éventuellement leurs réactions, et puis faire ce que tu as à faire tranquillement.
parce que après, y'a des choses qui t'appartiennent pas, et que tu peux pas contrôler.
si le fait quetu partes en voyage je sais pas où pendant 6 mois, ça défrise ton ex femme, tu n'y peux rien, mais en même temps qu'est-ce que ça peut foutre ?
si ça la défrise, ben tant pis pour elle, si elle a de l'énergie à consacrer à critiquer tes choix, c'est son énergie qu'elle perd, pas la tienne.
et concernant ta fille, ben comme dit plus haut, et comme en témoigne mon propre vécu, un enfant peut très bien s'adapter à différentes situations.
tu peux très bien être un père qui vit comme ça. et t'es pas obligé de te rétrograder au rang de simple géniteur.
d'autant plus que tu dis toi-même que tu aimes ta fille et que si tu peux la voir, tu la verras. c'est pas les paroles d'un simple géniteur ça.
de plus, comme je l'ai dit aussi, je pense pas que tu puisses décider à la place de ta fille ce que tu es pour elle.
cela ne sous-entend pas forcément de lien d'obligations et de quotidien. la forme d'une relation peut changer. et le fond peut rester le même.
on est des êtres humains, on est capables d'adaptation, de changement. on a l'intelligence pour cela, quand il y a l'amour et que les bases d'une relation sont solides, ben... ça peut changer de forme.
dernière chose : ce que j'ai personnellement très très mal vécu dans la séparation de mes parents, c'est le fait que leurs conflits passent au travers de moi.
que l'une voie en moi la fille de mon père (négativement bien sûr), et que l'autre voie en moi la fille de ma mère, tout aussi négativement.
ces deux êtres qui se sont unis pour me donner la vie en sont arrivés au point de réfuter en moi ce qui pouvait venir de l'autre.
ça c'est ignoble à vivre, sincèrement.
et je pense qu'une des plus grandes intelligences à trouver dans un divorce, c'est d'arriver à veiller à ne pas faire ça, de quelque manière que ce soit, subtile ou non.
parce que d'une manière ou d'une autre, un enfant reçoit des choses de ses deux parents.
et après c'est à lui de faire le boulot de discernement, au fil des ans, de se dire "ouais non ce truc là de ma mère j'en veux pas, je suis pas d'accord".
mais c'est totalement parasité quand c'est l'autre parent qui s'en mêle, simplement parce qu'il y a des différends et des rancunes pas réglées au fond.
dernière dernière chose.
une des très grandes forces de mon père, et en cela il a été un excellent père, quelle qu'ait été son absence et ses défauts, une très grande force donc ça a été de ne jamais me rejeter. même dans les périodes où moi je le rejetais, où je l'envoyais se faire foutre, où j'essayais très maladroitement de lui exprimer ce que j'avais ressenti, etc etc.
il est resté comme un roc, en face de moi, il est resté mon père, point barre.
j'ai coupé les ponts avec lui l'année dernière, parce qu'il était dans une période où il était extrêmement désagréable et que ma coupe débordait aussi de pas mal d'années de trucs pas réglés avec lui.
j'ai fait un long long long chemin intérieur, je pensais ne le revoir jamais. je pensais qu'il aurait fini par me rayer de sa vie.
puis un jour il m'a manqué profondément, et je l'ai recontacté, deux jours plus tard il est descendu dans la ville où je vis pour me voir.
il se trouve qu'il était là. mais même s'il avait été loin et qu'il n'avait pas pu, je sais que j'aurais eu un signe, quelque chose, qu'il aurait manifesté que oui, oui, il était bien mon père.
je crois sincèrement, en te lisant, et au vu de mon propre parcours, que tu peux être un père sans abandonner ta fille tout en vivant ta vie librement.
je crois aussi, et là je vais être cash, que tu as beau rejeter toutes les reponsabilités, t'en as pris une quand tu as décidé d'avoir un enfant, et que ta fille, elle a rien demandé. donc tu peux changer la forme de la relation, tu as la liberté de beaucoup de choses en fait, bien plus que tu sembles le croire à mon sens, mais par contre décider arbitrairement que ça y est t'es plus son père, tu n'es que son géniteur, c'est fini, au nom du fait que tu ne pourras pas en assumer les responsabilités à totale égalité avec sa mère ??????
c'est à mon sens beaucoup limiter le rôle et l'importance d'un père dans la vie d'un enfant.
et l'emprisonner dans une forme définie, alors qu'il est profond, ancré dans le coeur, et peut se vivre dans la liberté, celle de ta fille comme la tienne.
et c'est peut-être aussi une sorte de "guerre" plus ou moins consciente avec sa mère.
sa mère aura peut-être plus de poids dans la vie de ta fille si tu vas vivre ta vie, et puis après ?
ça veut dire que tu dois n'en avoir plus aucun ? pour éviter cette "concurrence" ? ou ce sentiment de peut-être compter moins ?
un enfant ne choisit pas entre ses parents, il ne peut pas. l'un n'a pas plus d'importance que l'autre, jamais.
peu importe le poids de tel ou tel dans les choix, les décisions, le fait d'aller à la réunion parent prof, on s'en fout de ça.
et si ta fille subit l'influence de sa mère et son clan, ben c'est son chemin, et elle sera assez grande un jour pour remettre ça en question si elle le décide.
de même qu'elle aura des choses à régler vis à vis de toi, peut-être d'autres choses, mais de toute façon elle sera comme tout le monde, elle aura à trouver sa route pour être heureuse et elle-même pleinement si elle le souhaite.
tu peux pas la "sauver", mais tu peux être son père tout simplement, en étant toi-même.
et pour finir, je crois aussi que si tu pars vivre ta vie en ayant dans la tête "j'abandonne ma fille", ben évidemment elle va probablement le vivre comme ça, parce que c'est ce qu etu manifesteras et ce que tu penseras.
mais t'es pas obligé de le vivre comme ça, et donc elle n'est pas obligée de subir cette pensée de ta part.
si elle le vit comme un abandon, alors que toi tu sais que tu ne l'abandonnes pas, ben là c'est autre chose, et tout ce que tu pourras faire c'est communiquer, être présent comme tu le peux tout en faisant ta vie, et la laisser faire sa route et espérer qu'un jour elle comprenne et guérisse de ça.
il existe un chemin de simplicité je crois dans tout ça.
mais depuis la prison, tu le vois pas, parce que tu es enragé d'être en prison et tu veux en exploser les murs.
peut-être déjà chercher à comprendre ce qui t'enchaîne réellement.
bon après j'ai été super directe sur certains trucs, tu peux m'envoyer chier, je sais très bien à quoi je m'expose en touchant à des trucs qui peuvent être très sensibles.
omi
"Avoir le coeur aussi grand qu'une église, dans laquelle l'agitation et les pleurs d'un enfant résonnent sans en troubler la paix"