Coucou, Maïna,
à l'instant j'ouvre mon ordinateur, je trouve ton message ... et je fonds en larmes, genre barrage qui ouvre les vannes.
C'est l'ensemble, et surtout c'est quand tu me réponds :
j'ai envie de baisser les bras.
Alors baisse-les.
Ca te permettra d'apprendre une autre manière de faire.
C'est sûr que d'être animé par des sentiments plutôt d'amour, et passer son temps à essayer de se durcir pour faire face, il y a quelque chose qui va pas, quelque chose qui cloche.
Dans mon histoire, je crois qu'il y a toujours cette dualité : recherche de paix (ou besoin profond de paix, plutôt) et mises en situations qui exigent la compétition.
Le conservatoire pour ça a été assez déformant, parce que j'ai passé mon temps à passer des examens, des concours, des trucs où il fallait toujours prouver...
Chaque fois ou presque je les ai passés en force : jusqu'à 16 ans, parce que j'avais une prof qui était (pardon mais c'est vrai) une vieille bique méchante, (avec tout le monde : tout le monde pleurait après les cours, sauf ceux ... qui arrêtaient la musique), donc j'arrivais en colère contre elle et je lui prouvais qu'elle avait tort (et là, tu vois, j'ai failli écrire : que J'AVAIS tort... )
Et je réussissais.
Quand elle a pris sa retraite, j'ai commencé à tout rater, j'ai mis 5 ans à avoir un diplôme que j'aurais dû avoir en 2 ans . Mais au moment de passer le concours, je perdais tous mes moyens, parce que je n'avais plus cette "motivation" de "lui montrer" (mais comme elle était membre du jury à chaque fois, je ne suis pas certaine qu'elle ait beaucoup aidé! mais c'est une autre histoire).
Je crois que je l'ai emmenée avec moi dans tous mes jurys, mais dans le négatif (avec l'impression qu'elle me guettait pour me faire échouer, et qu'elle était contente que j'échoue, brrr).
En revanche, pour jouer devant du public, aucun souci, aucun trou de mémoire, et tout allait vraiment très bien...
Mais dans ce milieu-là, si tu ne sors pas du COnservatoire National , tu vaux moins qu'un moineau chantant sur la branche.
C'est à le suite de ça que je suis passée sur le versant "thérapie" parce que je ne pouvais plus.
Je pense que c'était beaucoup trop tôt, évidemment, car je n'avais pas le vécu qui me permettait d'être, tout simplement, ni d'être un vrai canal pour les autres.
Mais ce rapport au monde me convenait beaucoup plus.
Sauf que j'étais consciente d'être pas (encore ?) à ma place. et que certainement, c'est facile à dire mais je crois que c'est vrai, c'est surtout moi que j'essayais de soigner à travers les autres.(J'avais entrepris une thérapie, mais je n'étais pas vraiment "dedans", j'étais en surface).
Et quand j'ai rencontré M., là j'ai basculé encore dans un autre monde.
C'est lui qui a insisté pour que je participe aux spectacles qu'il montait.
Puis comme il ne préparait pas ses dramaturgies et qu'il improvisait tout, en se mettant dans de véritables impasses, je m'en suis vraiment mêlée, parce que ça me rendait folle d'angoisse. Et de fil en aiguille, je suis devenue aussi metteur en scène et costumière.
Et c'était formidable. Mais le rapport que ça induit avec le monde, la manière dont ça s'est passé par la suite, était très imprégné de lui, de ses propres options de vie, de ses peurs, de ses blocages.
Ce qui ne veut pas dire que je n'assume pas ma part dans tout ça, j'ai travaillé assez longtemps dessus.
Il a refusé depuis 12 ans de fonder notre compagnie, parce qu'il était fasciné par le pouvoir (le supposé "vrai" pouvoir, celui où l'on commande) et par la même occasion par le fait d'être "choisi" par des gens référents (directeurs de théâtre, agents, que sais-je). Avec la volonté, vraiment la volonté, d'être reconnu(s), très vite, d'être "honoré", d'être "vu", et aussi d'avoir plein de sous, enfin ce genre de choses.
Il en est bien revenu, car la vie s'en est chargée ... et il travaille dessus encore aujourd'hui au niveau personnel (les blessures d'enfance, d'adolescence que ça recouvre sont énormes) mais en attendant pendant tout ce temps, j'ai suivi le mouvement, adopté ses révoltes, ses rages, ses ambitions, ses blessures narcissiques, etc., en profondeur, dans la fusion.
Me détacher de tout ça, et me retrouver, c'est un énorme boulot.
D'autant que je n'ai jamais vraiment eu l'impression , ou très rarement, que mes chakras, que toutes mes énergies disponibles étaient vraiment reliées. Sauf en scène : que ce soit quand je jouais en tant que musicienne, ou en mettant en scène, là je me sens vraiment reliée de partout.
Mais ça s'arrête dès qu'on en sort, parce qu'il faut gérer le reste.
Avant-hier dans un autre post, Neeve m'a sidérée (dans le bon sens) en me parlant de foi.
ET je crois qu'il y a vraiment quelque chose dans ce mot que je peux relier à tout ce que tu écris à propos du cœur, de la Justice, des énergies.
Oui, pour plusieurs raisons, je me suis coupée de ma foi. Se couper de sa foi, c'est se couper de ce qu'on a de plus sacré en soi, de plus essentiel. Et ça m'est arrivé.
La dernière fois, qui est je crois la plus puissante, c'est un moment que je me rappelle très bien.
J'en parle ici à cause de la carte du Diable.
Un jour, en voyant les conneries que faisait l'humain avec la planète (pollution + guerre + nucléaire + haine + tout le reste...)j'ai "compris" que l'humanité n'allait pas s'en sortir, et qu'on allait tout détruire. Et il m'a semblé que c'était inéluctable. ET la seule chose que j'ai voulue, vraiment voulue, dès lors, c'est être avec les gens que j'aimais, et sentir la terre et l'herbe sous mes doigts.
Et depuis, finalement, malgré tout ce que j'ai mis en route, en oeuvre, tout ce que j'ai projeté, eu envie de faire, etc etc;;. malgré tout ça, je vis en attendant (finalement) la fin du monde...
Je n'ai jamais réussi à m'extraire de ce moment-là.
ET hier soir, au moment de me coucher, j'ai pensé à ça.
Et je me suis dit : le Diable, il est là.
Dans la désespérance totale, existentielle.
Dans le fait de laisser ces forces-là tout emporter, en les considérant comme "plus fortes".
Dans le fait de se dire, justement : on n'y arrivera pas, on ne sauvera pas la beauté du monde.
Voilà.
J'en suis là.
Je t'embrasse, Maïna, tu ne peux pas savoir.
Enfin, si, je sais que tu sais.
Pardon pour ce nouveau fleuve(un peu moins noir, j'espère).
Porképic