En fait, il y a eu dans cette famille tellement de gens niés, oubliés, reniés, laissés en arrière, morts sans qu'on le sache, etc etc... que je n'ai que l'embarras du choix pour savoir
de qui est tu le double.
Chaque génération a au moins une femme qui finit sa vie toute seule.
C'est vrai que parfois, j'ai un peu l'angoisse d'être tous ces gens à la fois, toutes ces femmes à la fois, la dernière chance pour toutes ces personnes (tout au moins dans ma lignée maternelle) de pouvoir "être" elles, de pouvoir "les " dire.
C'est vrai que j'aurais envie d'en parler, d'en écrire des choses, mais ... comme tu le dis, j'ai du mal à "faire", et comme tu ne le sais pas, j'ai autant de mal à considérer qu'une telle initiative soit intéressante pour les autres.
Ce que tu as écrit plus haut me travaille totalement.
Parce que souvent, j'ai "inventé" des choses ( des structures, des associations de musiciens, des formes d'écriture ou autre) et chaque fois je me suis bridée en me disant "si personne ne l'a jamais fait, c'est que ça n'a pas d'intérêt, et si c'est déjà fait, eh bien on ne t'attend plus!"
Belle façon de tourner en rond, ça...
Et oui, comment être la première, et pas ... la dernière (ce que je suis objectivement, puisque sans descendance directe, une fin de branche, la fin d'une lignée qui ne se reproduira plus)
Toujours, dans ma famille (celle de mon père puisqu'on ne connaissait pas l'autre, la maternelle) j'ai été la plus petite, la "dernière".
Et à l'école, longtemps j'étais "la première" (même si on ne disait plus ça, cela ne se faisait plus ) , et ça s'est drôlement mal passé pour mes abattis. Donc peut-être aussi qu'être la première, ça chauffe un peu trop pour moi... Bon, c'est peut-être complètement hors sujet.
Il y a aussi être la première dans le cœur de quelqu'un (mon amoureux ayant mis "un certain temps" avant de reconnaître que j'étais et suis importante dans sa vie. J'étais "cachée". Et continue de l'être à certains égards.
Je crois aussi que tout le monde a toujours été tellement pauvre, dans cette famille. Il n'y a que des pauvres; j'ai toujours pensé que je n'avais pas le droit d'être riche, que c'était obscène. Que je ne pouvais pas "laisser les pauvres" derrière moi.
C'est sûr que tout ça me pèse. Le passé de cette famille me pèse, et souvent j'aimerais bien en être enfin un peu libérée.
J'ai l'impression d'avoir une bande de fantômes autour de moi, et qu'il faut que je rassure l'un, que je caresse la tête de l'autre, non non je ne t'oublie pas, non, je ne vais pas partir...
Houlà.
Je crois que je n'ai jamais rien écrit de plus vrai que cette phrase-là. Et en même temps, ça me paraît absurde, et en même temps ça me fait frissonner.
Il y a peut-être trop de monde dans cette pièce...
je t'embrasse Marie-Madeleine!